Note : Oxydation du fer et du manganèse et du sulfure d’hydrogène par le peroxyde d’hydrogène
Le peroxyde d’hydrogène est un oxydant fort. Comme le montre le tableau ci-dessous, il est plus fort que le chlore, le dioxyde de chlore et le permanganate de potassium. Ces derniers sont de bons oxydants pour le fer, le manganèse et le sulfure d’hydrogène, alors techniquement, le peroxyde d’hydrogène devrait être capable de traiter le fer, le manganèse et le sulfure d’hydrogène.
Tableau 1 : Pouvoir oxydant de quelques composés
Oxydant | Potentiel d’oxydation (V) |
Fluorure | 3 |
Radicaux hydroxyles | 2,8 |
ozone | 2,1 |
Peroxyde d’hydrogène | 1,8 |
Permanganate de potassium | 1,7 |
Dioxyde de chlore | 1,5 |
Chlore | 1,4 |
Traitement du fer
Le fer dans l’eau souterraine est généralement à l’état dissous, sous forme réduire (ions Fe2+) du fait des l’eau souterraine est généralement un milieu réducteur.
Le fer réagit avec le peroxyde d’hydrogène
2 Fe2+ + H2O2 + 2 H+ → 2 Fe3+ + H2O |
2 moles de Fe 2+ réagissent avec 1 mole de H2O2, ainsi 2 x 56 mg de Fe réagissent avec 34 g de H2O2.
Ainsi théoriquement 0,3 mg de peroxyde d’hydrogène sont nécessaires pour traiter 1 mg de fer. Les dosages typiques appliqués sont de 0,5 mg par mg de fer, mais cette dose peut monter jusqu’à 2 mg de peroxyde d’hydrogène pour traiter 1 mg de fer. C’est cette dernière dose que recommandent certains manufacturiers de peroxyde d’hydrogène.
Même si c’est techniquement possible de traiter de fortes concentrations de fer par du peroxyde d’hydrogène, l’expérience suggère de limiter l’application à un traitement en deçà de 10 ppm de fer, car au delà de 10 ppm, plusieurs problèmes peuvent survenir.
La littérature ne rapporte pas de pH optimal pour l’oxydation du fer par le peroxyde d’hydrogène. Toutefois, l’augmentation du pH accélère la décomposition du peroxyde d’hydrogène. Ainsi, théoriquement, l’efficacité du peroxyde d’hydrogène devrait se situer dans les limites de pH proches de la neutralité. Différents essais réalisés entre pH 5 et 7 ont eu du succès.
Traitement du sulfure d’hydrogène
La nature du sulfure d’hydrogène présent dans l’eau dépend du pH. On distingue les espèces H2S, HS– et S2-
À pH au delà de 9,5, la réaction suivante a lieu :
S2- + 4H2O2 → SO42- + 4H2O
C’est environ 4,25 mg qu’il faut pour 1 mg de sulfure.
À pH très acide, on a plutôt la réaction
H2S + H2O2 → S0 + 2H2O
1 mg de peroxyde d’hydrogène réagit avec environ 1 mg de sulfure d’hydrogène.
À pH intermédiaire, on a une combinaison des deux réactions.
Les proportions recommandées pour le traitement seront entre 1 et 4,5 mg de peroxyde d’hydrogène pour chaque mg de sulfure d’hydrogène.
Les manufacturiers de peroxyde d’hydrogène recommandent 4 mg de peroxyde d’hydrogène 1 mg de sulfure d’hydrogène.
Traitement du manganèse
Aucun des manufacturiers à qui j’ai pu parler n’a formellement l’oxydation du manganèse par du peroxyde d’hydrogène. Ma recherche sur les sites des manufacturiers de peroxyde d’hydrogène ne donne aucune indication que leur produit peut être utilisé efficacement pour le traitement du manganèse.
La littérature scientifique n’est pas plus éloquente sur l’oxydation du manganèse par du peroxyde d’hydrogène. Les études scientifiques sont plus orientées vers l’usage du peroxyde d’hydrogène en oxydation avancée avec d’autres oxydants comme les rayons ultraviolets et l’ozone pour le traitement des contaminants difficilement oxydables comme le BTEX et les pesticides. La littérature rapporte que les essais d’oxydation du manganèse effectués entre pH 5 et 9 n’ont pas donné aucune évidence de l’oxydation du manganèse (Knocke et al.[1] ).
Dans le Guide de conception (Vol. 1, section 8.5.1.2 Oxydation chimique), la section portant sur le traitement du fer et du manganèse par oxydation, il est annoncé, sans aucune précision, que le peroxyde d’hydrogène peut aussi être utilisé, mais son temps de réaction est plus long que celui des autres oxydants.
Mon interprétation :
L’inefficacité du peroxyde d’hydrogène à traiter le manganèse pourrait s’expliquer par une rapide décomposition du peroxyde d’hydrogène par l’oxyde de manganèse qui pourrait est le produit d’oxydation du manganèse. En d’autres termes, le produit d’oxydation décompose l’oxydant, ce qui conduit à l’arrêt de la réaction. En effet, une réaction bien connue des chimistes pour faire des démonstrations scientifiques épatantes est l’ajout de quelques mg d’oxyde de manganèse dans une solution à 30% de peroxyde d’hydrogène. Une réaction assez forte de production d’oxygène et de vapeur d’eau se produit, indiquant une rapide décomposition du peroxyde d’hydrogène.
Le défi serait de vérifier, est-ce qu’en présence de manganèse le peroxyde d’hydrogène pourrait quand même oxyder le fer?
À priori, la réponse serait non. Néanmoins, la réaction de Fenton est une réaction entre le peroxyde d’hydrogène et le fer (Fe2+ ) qui conduit à la formation du radical hydroxyle (HO˙), l’un des oxydants les plus puissants utilisés en traitement des eaux (potentiel d’oxydation : 2,81 V)[2], capable d’attaquer et détruire des molécules organiques récalcitrantes. C’est une réaction bien connue d’oxydation avancée. Serait-il possible que cette espèce hydroxyle oxyde le manganèse? Pas impossible. Toutefois, pour produire l’espèce active dans la réaction de Fenton, il faut des rapports de dosages spécifiques et contrôlés de Fe2+/H2O2, ce qui n’est pas facile à mettre en œuvre lorsqu’on effectue, en conditions réelles, le traitement d’une eau contaminée au fer et au manganèse. De plus, il faudrait que l’espèce hydroxyle soit formée en l’absence du manganèse (si on suppose que le manganèse participe à la décomposition du peroxyde d’hydrogène), ce qui rend l’application pratiquement impossible dans un procédé réel de traitement des eaux.
[1] Knocke et al., Alternative oxidants for the removal of soluble iron and manganese, AWWA Research Foundation, March 1990
[2] Zaviska et al., Procédés d’oxydation avancée dans le traitement des eaux et des effluents industriels: Application à la dégradation des polluants réfractaires, Revue des sciences de l’eau / Journal of Water Science, Volume 22, numéro 4, 2009, p. 535-564/ Lien : https://www.erudit.org/revue/rseau/2009/v22/n4/038330ar.html