DÉCLORATION DE L’EAU POTABLE
Il s’agit de l’enlèvement ou la neutralisation du chlore dans l’eau potable. Généralement cela est nécessaire en amont d’un système de traitement ou d’équipements qui est sensible au chlore. C’est le cas des systèmes de traitement par membrane ou la majorité des membranes (pas toutes) est très sensible au chlore.
INTRODUCTION
Le chlore est souvent utilisé pour la désinfection de l’eau ou simplement pour assurer le résiduel de désinfectant nécessaire, afin de protéger l’eau d’une invasion bactérienne lors du transport vers l’usager final. On retrouve ainsi, de manière générale, un résiduel de chlore en deçà de 1 mg/L dans l’eau municipale traitée.
Plusieurs industries, pour des besoins particuliers, utilisent l’eau municipale qu’ils font subir un traitement supplémentaire avant l’utilisation. La filtration membranaire, en l’occurrence l’osmose inverse est l’une des technologies les plus souvent utilisées dans cette optique. Les membranes d’osmose inverse sont pour la plupart sensibles à une exposition à long terme au chlore, même à de faibles concentrations comme celles utilisées pour assurer le résiduel. En effet, le chlore peut provoquer une oxydation des membranes. À titre d’exemple, la compagnie Filmtec[1] annonce que ses membranes peuvent se dégrader après 200 à 1000 h d’exposition à 1 ppm de chlore libre. Il est donc nécessaire de neutraliser le chlore en amont du système membranaire.
Les principales méthodes de déchloration utilisées sont : l’adsorption sur du charbon activé granulaire, l’injection d’un produit neutralisant le chlore ou le traitement par un système ultraviolet (UV) muni d’une lampe moyenne pression.
DÉCHLORATION AU CHARBON ACTIVÉ
Le charbon activé en grain est souvent utilisé pour la déchloration. Il s’agit d’une réaction d’adsorption sur le charbon activé. Cette réaction requiert un temps de contact (généralement assez faible), raison pour laquelle il est recommandé d’utiliser un taux de filtration plus faible, de l’ordre de 2 à 3 gpm/pi3 (Resintech propose 1 -2 gpm/pi3) de charbon. L’adsorption des chloramines requiert un temps beaucoup plus long que le chlore libre. Noter toutefois que de manière générale, les membranes ont plus de résistance aux chloramines qu’au chlore libre.
Les réactions peuvent s’écrire comme suit :
C + 2H2O → CO2 + 4H+ + 4e−
2HOCl + 2H+ + 4e− → 2Cl− + 2H2O
Soit :
C + 2HOCl → CO2 + 2Cl− + 2H+
[Une mole de carbone (12 g) réagit avec 2 moles de HOCl, soit 2 moles de Cl2 (71 g). Ainsi en théorie, le ratio massique inverse est de (71×2)/12 = 11,8, soit 1 g de charbon pour 11,8 g de chlore]
Il est rapporté que dans la réalité, 1 g de charbon est nécessaire pour l’adsorption de 6 g de chlore; soit environ 2 fois plus de carbone que les valeurs stœchiométriques. On peut ainsi, à partir de ces informations, évaluer approximativement le temps de fonctionnement nécessaire avant le remplacement du charbon.
Avantages du filtre à charbon activé :
· participe au prétraitement;
· longue durée de vie (habituellement on mise sur un remplacement annuel);
· relativement sécuritaire car le chlore est en grande partie détruit lors de la réaction (ne devrait donc pas être relargué).
Désavantages du filtre à charbon activé :
· Coût d’acquisition relativement élevé;
· la présence de certains contaminants (matière organique, métaux, limons (turbidité)) peuvent obstruer les pores et réduire la durée de vie (délai de remplacement).
· la possibilité de développement de biofilm dans le filtre qui pourra éventuellement créer un colmatage biologique.
· Peut être encombrant pour les gros débits.
DÉCHLORATION AUX PRODUITS CHIMIQUES
Différents composés dont le bioxyde de soufre, le métabisulfite de sodium, le bisulfite de sodium peuvent être utilisés pour effectuer la déchloration. Le métabisulfite (Na2S2O5) est le plus utilisé. Les réactions chimiques sont les suivantes :
La dissolution du métabisulfite de sodium dans l’eau pour produire du sulfite de sodium:
Na2S2O5 + H2O → 2 NaHSO3
La réduction de l’acide hypochloreux par le sulfite de sodium:
2NaHSO3 + 2HOCl → H2SO4 + 2HCl + Na2SO4
[La somme des deux réactions indique qu’une mole de Na2S2O5 (190 g) réagit avec 2 moles de HOCl, soit 2 moles de Cl2 (71 g). Ainsi en théorie, le ratio massique est de 190/(71×2)= 1,34]
Selon la stœchiométrie de la réaction, 1,34 mg de métabisulfite de sodium est nécessaire pour 1 mg de chlore libre. En réalité, la quantité de métabisulfite nécessaire est plus élevée. Soit 2 mg (Kucera, 2010) [2] ou 3 mg (Filmtec) pour 1 mg de chlore libre.
Le métabisulfite devra de préférence être injecté après le prétraitement. Certains auteurs (Kucera, 2010) recommandent même que ce soit après les cartouches de préfiltres qui sont placés juste en amont des membranes. Lorsqu’on utilise un produit chimique pour neutraliser le chlore, il est indispensable de mesurer en continu le potentiel d’oxydo-réduction (ORP) en amont de la membrane. L’ORP mesuré doit être en tout temps inférieur a 300 mV (Hydranautics), 200 mV (manufacturier), 175 mV (Kucera, 2010 ), 175-200 mV (Filmtec).
Avantage déchloration chimique
· Coût d’acquisition relativement moins élevé, surtout lorsque le débit devient important;
· Moins encombrant;
· Relativement facile à mettre en place;
Désavantages déchloration chimique
· Nécessité d’installer un moniteur ORP;
· Installation de pompes en duplexe pour plus de sécurité;
· Possible développement bactérien pouvant entrainer un colmatage biologique des membranes
· Coût d’opération (achat de produits chimiques).
DÉCHLORATION AUX RAYONS ULTRAVIOLETS
Les équipements UV munis de lampes à moyenne pression pouvant émettre une radiation à 185 nm permettent la destruction du chlore. Les radiations émises sont 15 à 30 fois plus intenses que celles nécessaires pour la désinfection courante. Cette méthode est coûteuse, mais a un impact positif sur le système membranaire à cause de la forte intensité de désinfection qui détruit toutes les bactéries et élimine toute possibilité de formation de biofilm. De plus cette longueur d’onde initie des réactions photochimiques permettant de produire des radicaux libres qui détruisent la matière organique présente.
Du fait des coûts d’acquisition et d’opération (électricité) élevés, l’usage de l’UV pour la déchloration pourrait être réservé aux applications spéciales ou à la demande du client.
Choix de la méthode de neutralisation du chlore
À part quelques cas particuliers (spécificité du client ou type d’industrie), le choix de la méthode de déchloration est basé sur les coûts (acquisition et opération) et les contraintes d’espace.
Certains manufacturiers annoncent qu’ils utilisent le métabisulfite lorsque le débit à traiter est élevé et qu’un trop grand volume de charbon est nécessaire. La limite selon un manufacturier est le filtre à charbon de 36 pouces. En d’autres termes, ils passent systématiquement à l’injection du métabisulfite lorsqu’il est nécessaire d’utiliser un média de charbon de plus de 36 pouces de diamètre pour effectuer la déchloration. Pour un autre manufacturier, la déchloration chimique s’impose lors le débit dépasse 100 gpm.
La limite réelle devrait être basée sur une étude technico-économique en comparant les coûts d’installation et d’opération d’un filtre à charbon versus une pompe doseuse de métabisulfite de sodium. Noter qu’il est souvent plus sécuritaire d’installer la pompe doseuse de produit neutralisant le chlore en duplexe.
[1] FilmtecTM , Reverse Osmosis Technical Manual [2] Jane Kucera, 2000, Reverse Osmosis, Industrial Application, Serivener Publishing Collections Editors