TRAITEMENT DES EAUX DES RÉSEAUX FERMÉS
On appelle réseaux fermés, les réseaux de tours de refroidissement, chaudières, humidificateurs, eau glacées, etc. Même si initialement ces réseaux utilisent de l’eau potable, ils nécessitent des traitements et des conditionnements spécifiques, notamment, pour préserver leur qualité en vue de les utiliser en boucle fermée (réutilisation) tout en protégeant les équipements qui les contiennent ou qui les transportent à travers le réseau. Les problèmes spécifiques associés à ces eaux et aux équipements qui les transportent sont les suivantes :
La qualité physico-chimique : pH, alcalinité, conductivité, dureté, matières en suspension, oxygène dissous
Qualité bactériologique : Légionnelle, bactéries ferrugineuses (ocre de fer), bactéries sulfacto-reductrices
Corrosion
Entartrage
Les deux dernières problématiques sont relatives aux équipements, mais ces situations sont causées par les imperfections des matériaux entrant dans la construction des équipements, par les conditions de fonctionnement en réseaux mais aussi par la qualité physico-chimique et bactériologique de l’eau. Il est alors important d’analyser la problématique par rapport à la qualité de l’eau, qualité de l’eau d’alimentation, mais aussi celle de l’eau une fois dans le réseau.
QUALITÉ DE L’EAU D’ALIMENTATION ET DE L’EAU D’APPOINT
L’eau utilisée dans les réseaux fermés est généralement de l’eau municipale ou de l’eau souterraine traitée ou de bonne qualité. Ces eaux ont généralement un niveau de minéralisation élevé qui ne convient pas à une utilisation directe dans les réseaux fermés. Elles sont en effet une dureté relativement élevée, un pH plus bas que requis, et parfois des matières en suspension. Il faut donc un prétraitement.
Les prétraitements inclus sans s’y limiter :
- Un enlèvement de particules (matières en suspensions ou sédiments) : filtration au sable ou autre média filtrant dont les cartouches filtrantes
- Un adoucissement (traitement résine cationique)
- Une déionisation (traitement par successions de résines cationique et anionique, par résine mélangée, par osmose inverse, par électrodéïonisation)
Le tableau suivant présente les caractéristiques de l’eau d’alimentation de chaudières suggérées par l’ASME
Paramètre | Concentration maximale (mg/L) |
Oxygène dissous (O2) | <0.007 |
Fer total | ≤0.1 |
Cuivre total | ≤0.05 |
Dureté totale (en CaCO3) | ≤0.5 |
pH @ 25oC | 8.3 – 10.5 |
Carbone organique non volatile | <1 |
Matières grasses (mg/L) | <1 |
À ces paramètres, on pourrait ajouter :
L’alcalinité qui est liée au pH de l’eau et déterminée par la présence d’ions carbonate, bicarbonate et hydroxydes
Les solides totaux dissous qui représente l’ensemble des ions présent dans l’eau, incluant le calcium et le magnésium à l’origine de la dureté
La silice
Les méthodes de traitement sont les mêmes que les méthodes classiques de traitement d’eau pour avoir de l’eau pure ou ultrapure. Ce point a été déjà traité dans un autre document. Noter que de l’eau ultrapure n’est pas nécessairement requise dans la situation actuelle. Ce qui fait vraiment la différence d’avec la production d’eau pure est la désoxygénation. En effet, l’oxygène, lorsque présent, joue un rôle très important dans la corrosion (voir section sur la corrosion). Il est donc approprié, lorsque possible d’effectuer une désoxygénation.
Silica ppm (mg/L) SiO2 | ≤150 |
Total Alkalinity ppm (mg/L) as CaCO3 | <1000 |
Free OH Alkalinity ppm (mg/L) as CaCO3 | NS |
Specific Conductance μmhos/cm (μS/cm) @ 25oC | <7000 |
CORROSION
C’est la destruction d’un métal par une réaction chimique ou électrochimique. Il s’agit d’une réaction d’oxydo-réduction se produisant à l’anode ou à la cathode.
- À l’anode, c’est une réaction d’oxydation d’un métal qui a lieu. On la désigne par « réaction anodique»,
- À la cathode, c’est une réaction de réduction d’un agent oxydant qui a lieu. On la désigne par « réaction cathodique».
Réaction anodique = réaction d’oxydation
Réaction cathodique = réaction de réduction
À la cathode il y a une réaction de réduction du métal et à l’anode une réaction de dissolution du métal.
Dans le cas qui nous intéresse ici, la corrosion des chaudières et tours de refroidissement, la réaction est principalement initiée à l’anode.
Les réactions à l’anode naissent des imperfections du métal (différence de composition, discontinuité de surface, etc.), et des conditions de son environnement (stress, température, présence d’oxygène, présence de certains ions, salinité, etc.) qu’il subit.
Dans le cas particulier de l’acier (l’acier est notamment un alliage de carbone, chrome, nickel, molybdène et manganèse), le fer (qui constitue plus de 50% de l’alliage) est le métal le plus impliqué.
La corrosion commence à l’anode ou les conditions décrites entrainent la dissolution du métal en surface par perte d’électrons, selon la réaction suivante :
Fe —– Fe2+ + 2e-
Les électrons produits se déplacent donc vers la cathode, ou ils sont captés par l’oxygène dissous dans l’eau (réduction de l’oxygène). Il s’en suit une production d’ions hydroxydes selon la réaction :
O2 + 2H2O + 4e¯ —— 4OH¯
La formation d’hydroxyde crée une augmentation locale de pH à l’endroit se produit la réaction par rapport à l’ensemble de la solution.
Les ions hydroxydes formés se déplacent dans la solution et sont captés par l’ion ferreux (Fe2+) pour former des hydroxydes de fer 2 selon la réaction :
Fe2+ + 2OH¯ = Fe(OH)2
L’hydroxyde de fer 2 réagit avec l’oxygène et l’eau pour former des hydroxydes de fer 3 plus stables.
4Fe(OH)2 + O2 +2H2O —–Fe(OH)3
Finalement l’hydroxyde de fer 3 devient de l’oxyde de fer Fe2O3 (rouille) suite à une déshydratation.
La corrosion peut se faire sous différente formes :
Corrosion uniforme qui selon la littérature est moins fréquente et représente 30% dans cas.
Corrosion localisée, plus fréquente, 70% des cas, qui inclut : la corrosion galvanique, la corrosion par piqure (pitting corrosion), La corrosion sélective, la corrosion microbienne, etc.
Corrosion microbienne : ce sont des bactéries, champignons, etc. et leurs sous produits (sulfures d’hydrogène, ammoniac, etc.) qui attaquent les métaux.
COMMENT ARRÊTER LA CORROSION
Plusieurs précautions peuvent être prises pour réduire/minimiser la corrosion. Toutefois, la présence d’oxygène dissous dans l’eau étant le facteur le plus important. La désoxygénation est primordiale.
L’oxygène dissous
L’oxygène dissous dans une tour d’eau se mesure à la sortie de la pompe du condensat et à l’entrée de l’apport d’eau (alimentation et apport d’eau d’appoint).
L’oxygène se dissous naturellement dans l’eau exposée à l’air. La saturation de l’eau en oxygène dissous à 5, 10, 15, 25°C sont respectivement d’environ 13, 11,5, 10, 8,2 mg/L.
L’oxygène peut être enlevé de l’eau mécaniquement ou chimiquement.
Mécaniquement, en utilisant en désoxygénateur ou en préchauffant l’eau jusqu’à la température d’ébullition pour enlever les gaz dissous dont l’oxygène. Les desoxygénateurs perfectionnés associent généralement le chauffage de l’eau suivie d’une atomisation en fines gouttelettes à l’aide de vannes de vaporisation. Les gaz dissous sont ainsi extraits de l’eau et évacués.
Chimiquement en ajoutant des composés comme du sulfite de sodium (Na2SO3), bisulfite de sodium (Na2S2O5), dioxyde de soufre (SO2), trioxyde de soufre (SO3), hydrazine (N2H2), Carbohydrazine (CH6N4O), diethylhydroxylamine (C4H11NO ), hydroquinone (C6H6O2), méthyléthyle cétoxime (qui sont des désoxygènants, en anglais : oxygen scavenger).
Les sulfites sont généralement des produits très utilisés à cause des faibles coûts, mais leur produit d’oxydation est le sulfate de sodium (produit solide) qui peut créer des problèmes lorsque la pression augmente. Les sulfites sont donc utilisés dans les systèmes à basse pression.
Aussi des problèmes de solubilités sont rapportés avec le sulfate de sodium. Le bisulfite de sodium, plus soluble est souvent préféré ou un mélange sulfate de sodium et bisulfite de sodium. Le sulfite de sodium est alcalin et le bisulfite ou méta bisulfite de sodium est acide.
2Na2SO3 + O2 —— 2 Na2SO4 (8 mg/mg de O2)
Conversions : 1 mg/L de Na2SO3 correspond à 0,75 mg/L de Na2S2O5; 0,63 mg/L de SO3 ou 0,51 mg/L de SO2
Le sulfite de sodium est lui tout seul lent à réagir. Pour cela on y ajoute souvent des métaux lourds comme : fer, cuivre, cobalt ou nickel comme catalyseur. Les sulfites de sodium catalysés sont des produits propriétaires (vendus à grands prix par les manufacturiers)
Attention, l’action catalytique peut être anéantie par la présence d’autres composés comme le phosphate.
Aussi l’ajout des ces produits et le bisulfite en particulier conduit à la formation de sulfate pouvant entrainer la précipitation de certains sels de sulfate.
Type d’eau | Concentration maximale d’oxygène (mg/L) |
Eau froide | 0,3 |
Eau chaude | 0,3 |
Chaudières basses pressions (<250 psi) | 0,03 |
Chaudières hautes pressions | 0,005 |
Source: Sulfites for Oxygen Control, Robert R. Cavano – Scranton Associates, Incorporated
Impact du pH
Une eau alcaline permet la formation d’une couche protective à la surface du métal.
La présence excessive d’ions hydroxyde peut défavoriser la réaction cathodique entre l’oxygène et les électrons issus du métal.
Un pH acide favorise la dissolution du métal et du film protecteur à sa surface si c’est le cas.
En gardant le pH de l’eau légèrement alcaline, cela permet de réduire la corrosion